La simplicité, un nouvel argument managérial ?
S’il est vrai que « l’histoire des inventions et découvertes est là pour prouver que le génie seul sait trouver aux problèmes qu’il étudie des solutions simples, et que les esprits médiocres s’embarrassent toujours dans des complications inutiles », il ne suffit pas pour autant de se réclamer de la simplicité pour entrer automatiquement dans la catégorie des génies.
Une fois n’est pas coutume, aussi allons nous examiner une mauvaise pratique de management, ses conséquences et les moyens de l’éviter. En effet, un tic de langage fait fureur actuellement dans le monde de l’entreprise et c’est à qui sera le meilleur chantre de la simplicité et de la simplification.
Ce mot sort la pupart du temps de la bouche de personnes, surtout des managers, qui par la nature de leur fonction devraient faciliter la mise en place des solutions. Dans les faits, l’observation nous confirme que ces mêmes personnes ne cherchent qu’à réduire les choses à leur niveau de compréhension.
Nul n’échappe au besoin de réduire les choses à son niveau de compréhension. En effet une simple cellule est d’une complexité qui dépasse de loin notre connaissance actuelle des choses. De même l’équilibre des choses dans le moindre biotope est stupéfiant et même si ceci nous semble simple à l’observation, l’homme n’a toujours pas réussi à reproduire un système qui s’auto-entretient en recyclant la totalité de ses déchets et c’est pourtant ce que font tous les cycles naturels qui nous entourent.
Or qu’est-ce que l’entreprise, sinon un système d’interactions complexes entre tous les éléments qui la composent, femmes, hommes, machines, environnement, etc. La « découverte » somme toute récente de la RSE (Responsabilité Sociétale d’Entreprise) est là pour nous le rappeler.
Dans ces conditions, se réclamer de la simplicité devient un aveu d’ignorance, mais il peut aussi s’agir d’un besoin de contrôle.
Dans tous les cas, commencer chaque phrase en rappelant son attachement à la simplification consiste à envoyer le message suivant à son interlocuteur : “tu as fait du mauvais travail, ça ne répond pas à mon attente de simplification” ou “je te rappelle que tu ne seras pas capable de répondre à mon attente de simplification”. C’est là un facteur de démotivation des équipes d’une efficacité absolue.
L’appel au bon sens.
En faire appel au simple bon sens dans une entreprise est assez amusant. L’entreprise est et reste un monde soumis à des contraintes fortes et où l’on est amené à gérer en permanence des contradictions de toutes sortes. Que signifie le bon sens dans ces conditions ? Pas grand chose faut-il croire puisque chaque personne ayant une perception différente de la situation, il y aura autant de bons sens qu’il y a de protagonistes. Au final, le manager s’appuiera sur son autorité pour imposer ce qu’il considérera comme le meilleur sens, autrement dit, il imposera ses vues au groupe. Il ne faut pas espérer, dans ces conditions, obtenir une quelconque adhésion de la part de ses équipes.
La simplicité commence par ne pas réinventer ce qui existe déjà.
Si à ce stade de la lecture, il ne fait plus guère de doute que l’entreprise est un lieu où évoluent des gens normaux, il est urgent de sortir de cette mélopée incantatoire de la simplicité, car la simplicité est le fruit des réflexions de personnes qui ont le génie de la compréhension subtile des choses, mais surtout des gens qui ont la capacité à prendre suffisamment de recul, ce que ne permet pas l’immersion dans l’entreprise.
Tout manager sait que l’injonction et l’incantation sont contre-productives, qu’elles ne sont pas porteuses de sens et qu’elles pénalisent fortement son leadership. Comme nous l’avons vu précédemment, ce sont des facteurs de démotivation très puissants.
Dans ces conditions, quelle peut être la solution pour sortir des situations et des systèmes complexes qui existent au sein de l’entreprise?
La réponse fait simplement appel au pragmatisme : il existe des référentiels de management qui sont la somme des meilleures pratiques mises en commun par des personnes qui ont déjà inventé des solutions éprouvées aux problèmes qu’elles ont rencontrés. Pour aller plus loin, rien n’empêche les porteurs de bonnes pratiques d’enrichir, directement ou indirectement, ces référentiels qui sont régulièrement révisés pour coller au mieux à la réalité.
En règle générale, les chantres de la simplicité n’ont pas l’humilité de commencer par s’appuyer sur les solutions éprouvées qui ont déjà démontré leur efficacité dans d’autres entreprises.
Certes leur orgueil sera blessé à mort puisqu’ils n’auront pas inventé une solution, puisque leur nom ne sera pas porté au panthéon des génies, mais que peut-il nous arriver de mieux, en tant que managers, que de tuer notre orgueil et de nous rappeler que l’humilité sera toujours le meilleur moyen pour progresser.